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Obstruction tumorale de l'uretère
Mise à jour : janvier 2021

L'anatomie

Les voies urinaires dont les uretères mènent l'urine des reins à la vessie et sont des organes actifs. Leur paroi renferme des fibres musculaires qui se contractent. Une onde de contraction est déclenchée dans le calice du rein et se propage comme une vague tout le long du bassinet puis de l'uretère. 

L’uretère est un tissu fin, fragile et susceptible. Si un endroit de sa paroi ne reçoit plus de sang, il se rétracte circonférentiellement et obstrue sa propre lumière. Cette paroi détruite ne guérira jamais. Elle devra être retirée (couper-coller) ou intubée à vie (par une sonde en plastique).
 

La maladie 

Cette pathologie est vaste et compliquée. Les maladies de l’uretère me passionnant, je vous propose de tenter de vous les exposer par la courte vidéo suivante qui expose une « Autopsie d’une sonde double J renforcée bouchée » et par la page ci-dessous.
 

Autopsie d’une sonde double J renforcée bouchée.

Lorsque l’uretère est obstrué et qu’il ne s’agit pas d’un calcul ou d’une jonction pyélourétérale, il est capital de découvrir le mécanisme du blocage.

Le mécanisme est parfois suspecté en questionnant le patient (cancer connu, traitement chirurgical pour une tumeur, radiothérapie). Mais c’est souvent au bloc opératoire pendant le drainage du rein que l’on découvre l’origine. 
 

Les causes

  L’uretère peut être à l’origine de sa propre obstruction. Une tumeur se développe dans sa paroi et encombre sa lumière. Elle devient alors progressivement obstructive. Ce polype de l’uretère peut être bénin ou cancéreux. Il dilate souvent le rein sans aucune douleur. Il peut saigner et ainsi être découvert par des urines rouges. Il peut bloquer brutalement le rein par son saignement abondant et entraîner une douleur violente de colique néphrétique.

  L’uretère peut être agressé par un processus étranger qui vient l’envahir ou le comprimer. Les agresseurs peuvent être de différentes origines. 

- Ils peuvent être bénins (pas cancéreux). C’est le cas de l’endométriose (muqueuse de l’utérus se greffant en dehors de l’utérus et agressant les tissus), d’une fibrose se développant en arrière du ventre (fibrose rétropéritonéale bénigne) ou d’un traumatisme opératoire en cas de chirurgie difficile aux alentours de l’uretère.

- Ils peuvent être cancéreux. C’est le cas des cancers qui atteignent directement l’uretère (colon, utérus) ou par l’intermédiaire d’un ganglion cancéreux (métastase de prostate, vessie, uretère, colon, utérus) ou par atteinte cancéreuse se développant en arrière du ventre (fibrose rétropéritonéale maligne du sein). En effet, les cancers du sein peuvent envoyer des métastases à cet endroit et réaliser une gangue extrêmement dure et rigide écrasant les uretères.

Obstruction de l’uretère droit par des ganglions de cancer de prostate.

Le retentissement

Si l’uretère est dilaté progressivement, le patient ne ressent aucune douleur. Un œdème brutal peut cependant bloquer subitement le rein et entraîner une douleur violente de colique néphrétique.

Les obstructions silencieuses peuvent avoir des conséquences fonctionnelles importantes: destruction plus ou moins complète d’un ou des deux reins.

Les obstructions brutales d’un ou deux uretères peuvent avoir des conséquences graves ou vitales : douleur, fièvre, septicémie, insuffisance rénale, décès. 
 

Les traitements

Le traitement consiste à rétablir la circulation de l’urine et donc d’empêcher la destruction rénale. 

  En cas de polype de l’uretère même bénin, on doit retirer le polype et l’uretère jusqu’à la vessie. Il existe souvent des greffes de tumeur sur toute la longueur de l’uretère. Ce verdict a pour conséquence fréquente de perdre le rein pourtant sein. Mais ses cavités sont malades et il n’y a plus d’uretère pour le relier à la vessie. 

  En cas de compression urétérale tumorale ou de rétrécissement urétéral après radiothérapie, une sonde double J est classiquement mise en place pour intuber l’obstacle.
 

Drainage de l’uretère droit par une sonde double J renforcée.

Mais il faut comprendre que placer une sonde double J dans une uretère compressé n’est pas synonyme de réussite. 

Et c’est là une notion CAPITALE.

La sonde se bouchera … rapidement

La tumeur est parfois très compressive et les tumeurs du sein sont à mes yeux les plus dures et constrictives. C’est pour cela que des sondes double J renforcées sont commercialisées. Il peut s’agir d’une sonde normale avec un manchon plus ou moins rigide. La sonde peut aussi être armée de spires métalliques. 

Face à la tumeur, la sonde doit répondre à différentes contraintes. Elle doit vaincre des forces d’écrasement et des forces de cisaillement. Elle doit aussi rester perméable à une urine pas toujours limpide. Il peut exister des dépôts par stagnation et infection formant des particules. Ces particules s’incrustent dans la paroi et diminuent la lumière de la sonde. L’écrasement et / ou le cisaillement de la sonde réduisent encore la lumière de la sonde si bien que la sonde se bouche.

Encore une fois, les obstructions brutales de la sonde peuvent avoir des conséquences graves ou vitales : Douleur, fièvre, septicémie, insuffisance rénale, décès. Les obstructions silencieuses de la sonde peuvent avoir des conséquences fonctionnelles par destruction des reins. Ces accidents conséquents surviennent chez un patient fatigué, amaigri, parfois sous chimiothérapie et le patient peut décéder de la suite de cette obstruction et non directement de son cancer ou des séquelles de son cancer. Enfin, les changements fréquents et la mauvaise tolérance de la sonde au niveau vésical altèrent la qualité de vie des patients.

Pour cette raison, il me paraît essentiel de placer la sonde la plus « efficace » et de dépister toute incompétence de la sonde. Cette stratégie peut amener l’urologue à changer la sonde plus souvent même si elle est conçue pour tenir un an. En moyenne, ces sondes « spéciales tumeur » quelque soit leur composition ne durent pas plus de 6 mois. 40% se bouchent sous 3 mois et parfois en moins d’une semaine. Dans ce dernier cas, il s’agit d’écrasement. Même une sonde armée ou métallique incompressible peut se boucher. Certaines sont vraiment trop molles. Certains articles scientifiques ont même établi un palmarès. 
Tous sont unanimes, il faut trouver un type de sonde optimal pour satisfaire le couple Résistance-Perméabilité. [références 1-3]

En cas d’urgence et d’impossibilité de placer une sonde double J ou d’échec de la sonde double J, on peut placer une néphrostomie (par piqûre au travers du dos). Mais ce moyen de drainage est temporaire car inconfortable et instable (déplacement du tuyau en dehors du rein).
 

Sonde de néphrostomie droite drainant les urines directement par le dos.

Personnellement, je lutte pour trouver une solution originale. Il faut comprendre pourquoi la sonde ne marche pas (cisaillement ?) ou se bouche trop vite (écrasement ?). Et ensuite adapter le moyen de drainage. 

  Par exemple, je peux utiliser 2 grosses sondes de 9 French côte à côte pour rigidifier et verticaliser un uretère (cisaillement vaincu).
 

Pose de plusieurs grosses sondes pour drainer un uretère gauche tortueux et rigide.

  Par exemple, je peux utiliser 1 grosse sonde de 8 French à côté d’une sonde double J renforcée. (écrasement vaincu).
 

Pose de plusieurs grosses sondes pour drainer un uretère droit fortement écrasé.

Le patient doit retourner au bloc opératoire mais on arrive finalement à drainer ses reins et à lui permettre de prolonger sa vie. 

Bien sûr, la quantité de matériel dans la vessie induit une irritation vésicale. Dans certains cas, ces sondes peuvent être sectionnés pour devenir une sonde JFil® renforcée et ainsi améliorer le confort de vie du patient [références 4-7].
 

Sonde JFil® renforcée utilisant la sonde dans la tumeur et un simple fil dans le reste de l’uretère et de la vessie.
Sonde JFil® renforcée utilisant la sonde dans la tumeur. Le fil dans la vessie est invisible sur la radio. 

Dans d'autres cas, la partie basse de l'uretère est obstructif et l'emploi d'une sonde avec un fil n'est pas possible. Je peux alors sectionner cette sonde pour éliminer la partie purement vésicale et ainsi diminuer le frottement. Ces sondes ont été réalisées avec un embout anti-reflux en silicone et les résultats sont très encourageants [références 8-11].
Cette nouvelle sonde améliore le confort de vie du patient et je recherche un partenaire industriel.

Le développement d'une sonde "tumorstent" efficace devrait être une priorité


Sonde renforcée avec embout en silicone utilisant la sonde dans la tumeur et un simple clip dans la vessie. 
Sonde renforcée avec embout en silicone utilisant la sonde dans la tumeur. Le clip dans la vessie est invisible sur la radio. 

La surveillance

En cas de douleur du rein, de fièvre inexpliquée ou d'aggravation de la fontion biologique des reins (créatinine), il faut faire une échographie des reins et comparer la dilatation.
Il est bien de vérifier les reins par échographie régulièrement (3 mois environ).
 

La recherche

Je continue de travailler sur d'autres projets concernant les patients dont l'uretère est atteint par une tumeur ou une séquelle de tumeur (radiothérapie). Le but est de soulager les patients de la gêne engendrée par les sondes urétérales et des retentissements parfois graves des obstructions des sondes urétérales. 

Une publication préliminaire a permis de préciser la résistance (stiffness) des sondes face à une compressions radiale. 

Je teste in vitro dans l'article suivant les sondes renforcées pour tumeur (Tumorstent). Ces sondes sont capitales pour les patients car elles protègent leur reins, leur confort et leur vie.
Les sondes sont inégales et cet article propose à l'urologue de choisir une sonde plus résistante si la sonde en place n'est pas efficace. La résistance permettra de maintenir la lumière de la sonde ouverte.

Stiffness Analysis of Reinforced Ureteral Stents Against Radial Compression: In vitro Study.
B Vogt. 
Research and Reports in Urology 2020;12:583-591. (OpenAccess). 
DOI: 10.2147/RRU.S285031

Cet article permettra d'interpréter les résultats de l'étude clinique de 150 patients et à partir de ces résultats cliniques in vivo, de préciser encore mieux les caractéristiques physiques de la sonde tumorstent optimale.

Cette publication majeure sur 10 ans de mes travaux doit sortir en 2021.


Références des articles médicaux scientifiques


1. Yossepowitch O et al. Predicting the success of retrograde stenting for managing ureteral obstruction. J Urol 2001, 166: 1746-9. 

2. Chung SY et al. 15-year experience with the management of extrinsic ureteral obstruction with indwelling ureteral stents. J Urol 2004, 172: 592-5.

3. Hendlin K. In vitro evaluation of ureteral stent compression. Urology 2006, 67: 679-82.

4. Vogt B, Desgrippes A, Desfemmes FN. Sondes JFil et MiniJFil : progrès décisifs dans la tolérance des sondes urétérales et propriétés inattendues du fil urétéral. Prog Urol 2014, 24: 441-50. doi: 10.1016/j.purol.2013.12.007. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1166708714000189

5. Vogt B, Desgrippes A, Desfemmes FN. Changing the double pigtail stent by a new suture stent to improve patient quality of life. A prospective study. World J of Urology 2015, 33: 1061-8. doi: 10.1007/s00345-014-1394-2. (Open Access) 
link.springer.com/article/10.1007%2Fs00345-014-1394-2

6. Vogt B, et al. Improving the quality of life of patients with ureteral malignant obstruction. J Palliat Care Med 2014, 4: 196. doi: 10.4172/2165-7386.1000196. (Open Access) 
omicsgroup.org/journals/ArchiveJPCM/articleinpress-palliative-care-medicine-open-access.php

7. Vogt B, et al. Changing the shape of the double-pigtail stent to attenuate urinary stent's symptoms. J Palliat Care Med 2014, 4: I101. doi: 10.4172/2165-7386.1000I101. (Open Access) 
omicsgroup.org/journals/ArchiveJPCM/articleinpress-palliative-care-medicine-open-access.php 

8. Vogt B et al. Improving Comfort of Patients with Ureteral Obstruction and Malignant Disease Should Be of Concern.  Journal of Palliative Medicine 2016 (OpenAcces). DOI: 10.1089/jpm.2016.0276.

9. Challenges To Attenuate Ureteric Stent-Related Symptoms: Reflections On The Need To Fashion A New Dynamic Stent Design Consequent Upon A Case Report.
B Vogt. 
Research and Reports in Urology 2019:11 277–281. (OpenAccess). 
DOI: 10.2147/RRU.S224068

10. A New Customized Ureteral Stent with Non-Refluxing Silicone End-Piece to Alleviate Stent-Related Symptoms in Malignant Diseases.
B Vogt. 
Urology December 30, 2019. https://doi.org/10.1016/j.urology.2019.12.022 (OpenAccess). 
DOI: 10.1016/j.urology.2019.12.022
 
11. Stiffness Analysis of Reinforced Ureteral Stents Against Radial Compression: In vitro Study.
B Vogt. 
Research and Reports in Urology 2020;12:583-591. (OpenAccess). 
DOI: 10.2147/RRU.S285031